Propriété intellectuelle
June 16, 2025

Faire affaire en français au Québec  : enjeux, responsabilités et sanctions

Depuis l’entrée en vigueur de la Loi 96, le 1er juin 2022, les entreprises opérant au Québec sont soumises à un encadrement linguistique plus rigoureux que jamais. Quels en sont les enjeux et que sont les conséquences en cas de non-conformité? 

L’Office québécois de la langue française (OQLF), organe chargé de veiller à l’application de la Charte de la langue française (la Charte), a considérablement renforcé ses mécanismes de surveillance et d’intervention. Désormais, une plainte, qu’elle provienne d’un client, d’un employé ou même d’un concurrent, peut entraîner des conséquences juridiques et financières importantes, en plus d’exposer l’entreprise à une couverture médiatique défavorable susceptible d’entacher sa réputation. 

Qu’arrive-t-il en cas de plainte? 

Les données publiées par l’OQLF révèlent que les plaintes liées à la langue de service en entreprise représentent 34 % des signalements reçus. Vient ensuite la documentation commerciale, incluant les sites Web, publications, offres d’emploi, contrats et factures, qui constitue 27 % des plaintes, suivie de l’affichage public et de la publicité commerciale, à hauteur de 20 %.  

Lorsqu’une plainte est déposée, l’OQLF en vérifie en premier la recevabilité. Si la plainte est jugée complète et sérieuse, un dossier est ouvert dans un délai de 30 jours ouvrables. Dans les cas retenus, un inspecteur peut être dépêché sur place ou procéder à une analyse documentaire afin d’évaluer la conformité. L’OQLF dispose à cet égard de vastes pouvoirs d’enquête : les inspecteurs peuvent pénétrer dans les lieux d’affaires, prendre des photographies, examiner les postes de travail et accéder aux données informatiques. Par ailleurs, l’OQLF peut également initier des enquêtes de son propre chef, notamment lorsqu’il estime que l’intérêt public est en jeu. Les dossiers considérés comme prioritaires, en particulier ceux liés à la santé ou à la sécurité, font l’objet d’un traitement accéléré. 

Un délai plus court pour passer à l’action 

En cas de constat de non-conformité, une entreprise reçoit généralement un avis lui accordant un délai d’au moins 15 jours pour corriger la situation. Si la non-conformité persiste, l’OQLF peut émettre une ordonnance formelle de mise en conformité, laquelle entre en vigueur dès sa signification. L’entreprise dispose alors d’un délai de 30 jours pour contester cette décision. Faute de régularisation, le dossier peut être transmis à un procureur de la Couronne pour poursuite pénale, ou encore donner lieu à une demande d’injonction déposée devant la Cour supérieure. 

La responsabilité juridique dépend de la nature de l’infraction constatée. En matière d’affichage public, c’est généralement l’exploitant de l’établissement qui est tenu responsable. Toutefois, d’autres acteurs peuvent également être mis en cause, notamment le propriétaire de l’immeuble, un franchiseur, un bailleur ou même un fournisseur. Pour ce qui est de l’emballage et de l’étiquetage des produits, la responsabilité principale incombe tant aux fabricants qu’aux distributeurs et détaillants. Cela est particulièrement pertinent dans les secteurs encadrés comme celui des produits de santé, où une vigilance accrue est exigée.  

Les amendes, un coût considérable 

Le régime de sanctions associé à la Charte s’est aussi durci. Le non-respect d’une ordonnance de conformité constitue une infraction pénale, et chaque jour d’inexécution est considéré comme une infraction distincte. Les amendes peuvent atteindre 90 000 $ pour une entreprise, et jusqu’à 42 000 $ pour un dirigeant d’entreprise. En cas de récidive, les montants sont doublés ou triplés. Il convient de souligner que les dirigeants peuvent être tenus personnellement responsables, même s’ils agissent dans le cadre de leurs fonctions corporatives. Le calcul des amendes prend en compte non seulement les avantages retirés de l’infraction, mais aussi les conséquences sociales ou économiques de celle-ci. 

Des impacts plus que financiers 

Outre les sanctions pénales, la Charte prévoit également des recours civils. Une personne lésée peut demander, devant les tribunaux, l’annulation de clauses contractuelles rédigées en violation de la loi, la réduction des obligations contractuelles, ou même la nullité d’un contrat. Les conséquences peuvent être importantes : si des prestations ont été exécutées (paiements, livraisons, cessions), elles doivent être annulées ou modifiées en conséquence. 

Dans les cas les plus graves, notamment lorsque des infractions répétées sont constatées malgré les avertissements et les sanctions, le gouvernement peut aller jusqu’à suspendre ou révoquer les permis ou autorisations accordés à l’entreprise en cause. L’OQLF peut également saisir les tribunaux afin d’obtenir une ordonnance de retrait ou de destruction d’un affichage non conforme. Dans les cas extrêmes, une injonction judiciaire peut être requise pour contraindre une entreprise à se conformer aux exigences linguistiques. 

Les obligations s’étendent aussi au commerce électronique. Un produit non conforme vendu en ligne peut faire l’objet d’une ordonnance même si l’entreprise ne possède pas d’établissement physique au Québec. Les plateformes technologiques qui facilitent la vente et le paiement de ces produits peuvent, elles aussi, être visées. 

Enfin, il ne faut pas négliger l’aspect réputationnel. Les procédures pénales intentées en vertu de la Charte sont publiques. Lorsqu’un dossier est médiatisé, surtout dans un contexte où la protection du français suscite un fort consensus social, les répercussions sur l’image de marque d’une entreprise peuvent être considérables. 

Comment s’y conformer? 

Dans ce contexte, il devient impératif pour les entreprises de revoir leurs pratiques linguistiques de manière proactive. Se conformer à la Charte est devenu une obligation légale incontournable, autant qu’un choix stratégique pour assurer la pérennité de ses activités au Québec.  

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