Droit des affaires
July 2, 2020

Partir en affaires : choisir le nom de son entreprise

Vous voulez aller de l’avant avec votre idée d’entreprise et vous êtes rendus à l’étape de remue-méninges pour en choisir le nom? Assurez-vous de connaître les différentes règles applicables au Québec qui régissent un tel choix. Ce billet explore quelques points importants dans la détermination du nom d’entreprise pour vous aider à faire un choix éclairé et éviter des délais administratifs.

La détermination d’un nom d’entreprise intéressant et significatif qui reflète votre vision et vos valeurs est une étape importante dans le lancement de votre nouveau projet d’affaires. S’il n’est pas exécuté correctement, ce processus peut prendre un temps considérable. En effet, le nom doit être déposé auprès du Registraire des entreprises du Québec (le « REQ ») qui devra l’approuver. Si le nom est refusé par le REQ, votre entreprise ne pourra être ni incorporée, ni immatriculée (selon le cas), et vous devrez recommencer l’ensemble de vos démarches. Dans l’optique d’éviter d’avoir un tel scénario, voici un petit guide des étapes à suivre afin de choisir d’emblée un nom conforme aux lois québécoises, soit la Loi sur les sociétés par actions (Québec), la Loi sur la publicité légale des entreprises et la Charte de la langue française.

Nom constitutif et noms d’emprunt

Le nom constitutif est le nom légal avec lequel votre entreprise s’identifie dans ses activités au Québec et qui est utilisé dans ses activités courantes. Le nom constitutif d’une entreprise se retrouve notamment dans ses statuts ou autres documents constitutifs et doit se retrouver sur ses contrats ainsi que dans chacune de ses factures. Dans la majorité des cas, ce nom sera choisi par les fondateurs de l’entreprise. Cependant, les sociétés par actions au Québec peuvent également demander une dénomination numérique accordée automatiquement par le REQ (Québec Inc.).

Une entreprise peut aussi se servir d’un ou plusieurs autres noms, appelés noms d’emprunt. Un nom d’emprunt est utilisé au Québec pour désigner une entreprise autrement que par son nom constitutif, mais sera soumis aux mêmes règles que celles applicables au nom constitutif. Ainsi, une compagnie qui vend du yaourt pourrait avoir plusieurs noms d’emprunt complètement différents pour pouvoir exploiter plusieurs marques qui opèrent toutes sous une seule et même entité légale. Le besoin d’obtenir un nom d’emprunt peut aussi découler de la composition du nom original de l’entreprise et du besoin d’assurer le respect par l’entreprise des règles concernant l’usage du français au Québec. Par exemple, une entreprise ontarienne constituée selon une loi fédérale dont le nom constitutif est en langue anglaise pourrait enregistrer un nom d’emprunt en français, équivalent à son nom anglais, pour pouvoir opérer légalement au Québec.

Les composantes du ou des noms de votre entreprise

UN NOM D’ENTREPRISE (CONSTITUTIF OU D’EMPRUNT) EST COMPOSÉ D’UNE À TROIS PARTIES.

D’abord, une composante générique, par exemple le mot « épicerie », peut servir à identifier une entreprise de manière générale avec notamment un lieu, un métier ou un service. Ce générique devra être en français et ne pourra pas être répété dans une seconde langue, par exemple « Épicerie Baptiste Grocery Inc. ».

Une composante spécifique est un mot qui sert à distinguer l’entreprise des autres et peut notamment être un mot forgé ou un acronyme.

Finalement, une particule désigne la forme juridique de l’entreprise et est obligatoire dans le nom constitutif pour certains types de sociétés; c’est pourquoi une entreprise québécoise comportera parfois les sigles « Inc. » ou « Ltée » à la fin de sa désignation.

Il existe plusieurs règles concernant l’interaction entre la composante générique et la composante spécifique. À titre d’exemple, une composante générique en français est obligatoire lorsque la composante spécifique est dans une autre langue que le français et que cette dernière est présentée sous l’une ou l’autre des formes suivantes : un sigle, un acronyme, un mot, un mot forgé ou une expression. Nous vous référons au guide sur les noms d’entreprises au Québec pour plus d’informations à ce sujet.

Autres limitations

Le choix d’un nom doit respecter certaines limitations additionnelles imposées par les règles de la publicité légale au Québec.

a) Expressions proscrites ou réservées

En effet, le nom de votre entreprise ne peut pas être immoral, obscène ou scandaleux. De plus, le nom ne doit pas contenir une expression  réservée à autrui . En effet, il existe plusieurs lois au Québec qui réservent l’usage de certaines expressions à des groupes particuliers, par exemple, aux ordres professionnels, ou qui en interdisent tout simplement l’usage de certaines expressions.

Par ailleurs, le nom d’entreprise ne doit pas contenir d’expression susceptible d’induire en erreur le public, par exemple, en laissant faussement croire qu’une entreprise fait partie d’une entité gouvernementale ou publique. [c.f. note 1]

b) Nom constitutif ou nom d’emprunt identique

Il va sans dire que le nom constitutif de l’entreprise ne peut être identique à un autre nom constitutif ou nom d’emprunt d’une entreprise valablement immatriculée au Québec. En effet, le REQ refusera d’emblée de constituer ou d’immatriculer une entreprise qui ne respecte pas cette exigence. Un nom sera considéré « identique » malgré une différence au niveau de la ponctuation, d’un déterminant, d’un article, d’une préposition ou d’une conjonction.

c) Confusion du nom

Il est important de noter que le nom de votre entreprise ne doit pas porter à confusion avec un nom déjà utilisé par une autre entreprise au Québec et ne doit pas être susceptible d’induire des tiers en erreur. Si le nom que vous avez choisi prête à confusion avec un autre nom, le REQ ne refusera pas d’emblée la constitution ou l’immatriculation. Toutefois, votre entreprise pourrait s’exposer à des poursuites de l’entreprise qui utilise la même dénomination sociale ou une qui est similaire.

Afin de savoir si un nom porte à confusion, l’entreprise doit examiner les critères suivants :

  • la ressemblance visuelle ou phonétique;
  • la ressemblance entre les idées évoquées;
  • la manière dont les noms sont utilisés;
  • la notoriété de chaque nom;
  • la concurrence entre les entreprises concernées;
  • le territoire et le nombre de personnes desservies par les entreprises concernées. [c.f. note 2]

Le REQ prévoit des recours administratifs pour une entreprise qui constate que le nom d’une autre entreprise peut porter confusion avec son nom d’entreprise ou laisse faussement croire qu’elles sont liées. Il vaut mieux être vigilant pour ne pas faire objet d’un tel recours.

Marque de commerce

Afin d’éviter des frais et litiges potentiels, il est également impératif de faire des recherches aux registres publics et autres moteurs de recherche qui sont à votre disposition avant de procéder à l’incorporation ou l’immatriculation de votre entreprise. Il faut s’assurer qu’il n’existe pas de marque de commerce similaire au nom de la société afin d’éviter des risques de confusion et de poursuite par le titulaire de la marque de commerce en question.

Même si le REQ pourrait ne pas refuser d’emblée la constitution ou l’immatriculation, votre entreprise s’exposerait quand même à des poursuites du titulaire de la marque de commerce.

De plus, lorsque vous aurez finalisé votre choix de nom et que vous serez constitué ou immatriculé auprès du REQ, nous suggérons que vous demandiez à votre conseiller juridique de vous assister dans le dépôt de votre nom à l’Office de la propriété intellectuelle du Canada pour protéger plus adéquatement votre nom constitutif.

Conclusion

Le choix d’un nom pour votre entreprise va au-delà de sa simple identification et permet d’acquérir une réputation, de refléter vos valeurs et de véhiculer vos messages clés. Il est donc d’autant plus important de choisir avec attention et dans le respect des lois et règlements applicables.

Ce billet fournit des informations d’ordre général et est partagé à titre informationnel seulement. Il ne constitue pas un avis juridique, et ne doit pas être interprété comme tel. Afin d’être en mesure de bien saisir l’ensemble des éléments légaux qui ont été traités dans la présente et obtenir un avis juridique sur leur applicabilité à votre situation particulière, nous vous suggérons de consulter votre conseiller juridique.


  1. Article 17 Loi sur la publicité légale des entreprises.
  2. Article 17(8) Loi sur la publicité légale des entreprises.